science cognitive
  • La Théorie Cognitive de l'apprentissage multimédia appliquée 

     

    Ces dernières années, la demande des entreprises en formations digitales et asynchrones s’est largement renforcée, et cette tendance tend à se maintenir avec les nouveaux modes de travail. Pourtant, le digital n’est pas neutre en matière d’apprentissage et pose des questions sur l’autonomie, la motivation, l’engagement voire la compréhension des participants. Certains modèles issus des sciences cognitives, et notamment la théorie cognitive de l’apprentissage multimédia, nous donnent des pistes pour optimiser nos productions digitales. 

  • Retour à l’équilibre 

     

    Dès le premier confinement de 2020, de nombreuses entreprises ont décidé de muscler leur offre interne en formation distancielle de manière à maintenir un accès à la formation à leurs collaborateurs. On aurait pu s’attendre à une parenthèse sur la durée de la crise, mais cette tendance semble se maintenir, voire s’accélérer : la formation distancielle et asynchrone est en effet perçue comme une approche agile, permettant notamment de faire de la formation de masse ou de répondre aux nouveaux modes de travail (télétravail, horaires élargis et flexibles…).   

    Or, la formation asynchrone, même si elle permet de se former à son rythme et quand on est le plus disponible pour le faire, ne répond clairement pas à tous les enjeux de la formation. Peut-on vraiment apprendre certains gestes métier tout seul derrière son ordinateur, sans tuteur ni matériel adéquat ? Elle peut même être contre-productive si elle est mal conçue ou mal développée.   

     Il nous parait donc important, d’une part, de retrouver un meilleur équilibre entre les différentes modalités de formation et d’utiliser le digital asynchrone à bon escient dans des parcours de formation et, d’autre part, de mettre en œuvre quelques bonnes pratiques essentielles lorsqu’on conçoit du e-learning afin de faciliter l’apprentissage.   

  • Deux théories qui modélisent l’apprentissage  

     

    La théorie cognitive de l’apprentissage multimédia de Maier présente l’apprentissage de manière simple, qu’on pourrait résumer ainsi : une présentation multimédia se compose (généralement) de mots et d’images. Chez l’apprenant, deux canaux vont s’activer : l’ouïe et la vue. Les informations captées par chaque canal vont être traitées via différents processus cognitifs (sélection et organisation), d’abord en mémoire à court terme puis en mémoire à long terme (pour y être stockées et rattachées aux informations déjà présentes).   

  • Théorie cognitive de l'apprentissage
  • Si la mémoire à long terme a des capacités illimitées, ce n’est pas le cas de la mémoire à court terme : si trop d’informations arrivent d’un coup, on risque la surcharge cognitive.  

     D’après la théorie de la charge cognitive de Sweller, il faut distinguer trois types de charge cognitive :   

    •  La charge intrinsèque : elle est inhérente à tout sujet d’étude et dépend du nombre de concepts à traiter simultanément, de leur complexité et des liens entre ces concepts. Elle est donc nécessaire pour comprendre de quoi on parle.  
    •  La charge générative : c’est le niveau d’activité cognitive nécessaire pour manipuler ces concepts, les analyser, les comparer à d’autres et les mettre en œuvre dans d’autres contextes… et ainsi atteindre l’objectif pédagogique qui a été défini. 
    • La charge inutile : il s’agit des éléments qui vont atteindre la mémoire de travail mais qui n’aident pas l’apprentissage, comme une musique de fond trop forte dans une vidéo ou sur un module.  
  • Théorie de la charge cognitive
  • C’est donc là que réside l’un des principaux enjeux lorsque l’on conçoit et développe une formation, que ce soit en digital ou non : supprimer le plus possible la charge inutile et apporter un bon niveau de charges intrinsèque et générative.  

  • Six bonnes pratiques pour concevoir des formations digitales asynchrones et éviter la surcharge cognitive

     

    Différents principes se rattachent à la théorie cognitive de l’apprentissage multimédia et peuvent vous guider dans la conception et la production de vos modules.   

    1. Le principe de non-redondance

    Vous avez sans doute déjà participé à une réunion ou à une formation où tous les contenus étaient rédigés sur les slides, voire pire, où l’animateur lisait le contenu présent sur les slides. Dans ce cas, les deux canaux (vue et ouïe) sont bien sollicités, mais de manière redondante : le participant va inconsciemment se focaliser sur l’une des sources d’information. Le principe de non-redondance invite donc à solliciter les deux canaux de perception mais de manière complémentaire, par exemple avec une image et une narration qui se complètent, de manière à renforcer l’apprentissage.   

    1. Le principe de contiguïté

    Cela peut paraitre évident, mais mieux vaut le rappeler : les éléments qui vont ensemble doivent être placés proches les uns des autres dans le temps et l’espace.  

    Ainsi, un exemple suit directement le concept qu’il illustre, une définition se positionne proche de son mot, une consigne précède directement un exercice, etc.  

    1. Le principe de consistance sémiologique

    Si un élément revient à plusieurs reprises dans votre support ou dans une série de supports (vidéo, e-learning, slide, etc.), alors cet élément doit toujours être présenté de la même manière et toujours être à la même place. Cela est particulièrement important pour les boutons dans les interfaces de vos e-learning ou de vos serious game. Par exemple, le menu doit toujours être à la même place, ou encore un symbole qui est associé à une action doit toujours être utilisé pour cette action et pas une autre. 

    1. Le principe de simplicité

    Ce principe peut se décliner à deux niveaux :  

    – Sur la forme : le format de votre support ou le mécanisme mis en place (surtout pour les expériences gamifiées) ne doit pas apporter de la complexité supplémentaire à l’objet de la formation.   

    – Sur le fond  : le niveau de complexité du sujet doit être adapté au niveau de connaissance initial de votre cible et doit être en cohérence avec l’objectif de votre formation (inutile de rentrer dans un niveau expert si l’objectif est de sensibiliser). 
    Sur ce dernier point, l’une des questions que l’on se pose souvent, quand on conçoit un e-learning, est de savoir comment bien doser son module pour s’adresser à tous les publics cibles, à l’expertise souvent hétérogène. Pour résoudre ce problème et réduire la charge intrinsèque, il existe aujourd’hui sur le marché des outils auteurs ou des LXP qui permettent de créer, relativement simplement, des expériences e-learning (voire des parcours complets) en Adaptive Learning. La création est bien souvent simplifiée : vous rentrez vos contenus auxquels vous associez des questions de connaissance et des jeux (souvent nombreux et automatiquement générés pour « nourrir » les algorithmes). À la diffusion, à chaque fois qu’un apprenant interagit avec l’écran, la technologie analyse ses réactions et ses réponses et adapte la profondeur du cours et la difficulté des jeux à ses besoins. Chacun arrive ainsi à 100 % à son rythme et à sa façon, sans effort initial particulier pour le concepteur du module.  

    1. Le principe de pré-entrainement

    D’après ce principe, diffuser en amont du cours des informations clés sur le contenu et les moyens de la formation favorise l’apprentissage. Par exemple, proposer des phases dans un format « tutoriel » dans une expérience gamifiée ou dans une expérience en réalité virtuelle permet de bien préparer les participants à l’expérience pédagogique cible et l’efficacité pédagogique de cette dernière s’en trouve renforcée.   

    1. Le principe de segmentation

    Imaginez, vous êtes en train de lire un livre, et à un certain moment vous avez un doute : « Attends, il vient de dire qu’il était au cinéma ce soir-là, pourtant lors de sa déposition précédente il parlait d’un bowling… ». Et là, vous savez que vous pourrez retrouver cette information à peu près à un quart du livre, en haut de la page de gauche. Vous avez inconsciemment spatialisé l’information dans l’épaisseur et dans la forme du livre. Et ça, malheureusement, sur ordinateur ça ne fonctionne pas.   

    Ainsi, il est important de créer des parties et des chapitres clairs dans vos productions de manière à aider les apprenants à spatialiser les contenus et à les situer les uns par rapport aux autres.  

  • D’abord une question d’équilibre… et de plaisir 

    Nous nous sommes concentrés ici sur deux théories et sur quelques principes, mais bien d’autres existent. Outre l’application de ces bonnes pratiques qui vous permettront de faciliter l’apprentissage et d’éviter la surcharge cognitive, vous pouvez bien sûr explorer d’autres pistes dont on aurait pu aussi parler ici : raconter des histoires pour augmenter la puissance narrative et émotionnelle de vos modules ou même explorer la gamification et les approches interactives pour maintenir l’attention. Quels que soient vos choix et vos partis pris, cherchez toujours l’équilibre et surtout, faites-vous plaisir. C’est souvent contagieux  !